Des chiffres et des lettres
Tout d'abord bon anniversaire Bernard !
Avides de vous impressionner un peu, et afin de vous rappeler vos vieux cours de math, nous voulions vous apporter quelques chiffres essentiels. Quelques precisions sur le voyage.
Nombre de km parcourus : environ 2400 km
Budget pour 2 en Asie : de 6 a 8 euros par jour (quand nourriture et logement, mais 4 euros si camping)
Budget pour 2 en France : de 40 a 45 euros par jour (logement, nourriture, gaz, electricite, telephone, essence...)
Nombre de sourires echanges : 981
Nombre de giffles echangees : 3
Nombre de disputes : chiffre confidentiel
Nombre d'accidents de communication avec les locaux : 103
Indice de bronzage sur 10 : 4,5 pour Anne ; 8,5 pour Chris
Nombre de gros mots par jour : 11 pour Chris ; 1 pour Anne
Coups de pieds dans le velo pour se venger de la dure vie de cycliste : 7
Expression favorite : Anne : "J'ai faim, il me manque un truc sucre" Chris : "Ce qui est important, c'est pas le resultat, c'est le chemin"
Indice de satisfaction du voyage a velo sur 10 : 10
Nombre de souvenirs achetes pour la famille et les amis : 0
Nombre de souvenirs achetes pour nous deux : 83
Voila pour les petites indiscretions chiffrees de notre voyage jusqu'ici, bande de curieux va !
Apres un dernier resto a Luang Prabang avec nos amies Chtis, nous quittons la ville pour un avenir meilleur. Mais la separation est difficile, nous partons le coeur lourd, les larmes aux yeux, les cris dechirants, telles les pleureuses de l'antiquite. Je me roule par terre de facon frenetique en hurlant, mais Anne me rappelle que nous reverrons nos amies a notre retour, ce qui suffit a me calmer et a apaiser mon desespoir.
La reprise est d'autant plus dure, que l'etape qui suit comptera parmi les plus difficiles du voyage jusqu'a present. Nous partons tard, a 9h30, car nous avons pris un dernier petit dej' avec Flo et So. On nous avait prevenus que ca allait monter de plus belle et nous ne sommes donc pas surpris. Ca monte, mais c'est assez progressif. A 20 km de Luang Prabang, dans la montee, nous apercevons de jeunes ados a moitie nus en train de faire on ne sait quoi. Ah ! Il faut bien que jeunesse se passe ! En fait, l'etape se corse avec la chaleur et les montees se font plus raides et surtout interminables. Le stress nous gagne car la nuit tombe, et pas de village ni d'endroits ou camper en pleine montagne. Nous arrivons apres nous etre encourages mutuellement ("avance canasson!" "c'est pas en faisant du sur place que tu mangeras ce soir!") a la tombee de la nuit dans un taudis qui se pretend auberge. Ca negocie dur les prix, d'autant qu'ici, il y a des gens qui essaient de se faire de bonnes marges sur les autres. La corruption commence chez les hauts fonctionnaires et se reproduit aux echelons inferieurs. Nous nous apercevons parfois qu'il y a un prix pour les laotiens, et un prix pour l'etranger, ce qui n'etait pas le cas en Thailande. Mais point trop de negociation comme au Maroc par exemple, ici, si l'on n'achete pas, ils s'en balancent un peu, ils ne veulent pas vendre a tout prix, ce qui freine tout compromis. On commence a vite s'emballer quand on trouve que le prix n'est pas justifie. Et cela, precisons-le, pas du tout pour la somme d'argent, mais pour le principe meme, qui n'est pas juste et pas honnete. Je travaille chaque matin mon coup de pied retourne a la Jean Claude Vandamme au cas ou une negociation tournerait mal.
Nous effectuons deux jours de montagne, en compagnie de Damian, un australien de 55 ans environ, fabriquant de meubles de son etat, et avec lequel nous sympathisons. Anne se grille d'entree de jeu en devinant son age : elle lui donne de 10 a 15 ans de trop. Le personnage est atypique, pince-sans-rire, et dote d'un caractere rustre mais sympa. C'est le premier cyclo avec lequel on voyage. Je lui lance quelques vannes bien placees, et il se rend compte qu'il a en face de lui un Laurent Ruquier potentiel. On discute de tout et de rien et on passe un bon moment. La devise de Damian "Express yourself". En tout cas, on aimerait bien avoir la forme comme lui, a son age.
Comme a l'habitude ces deux jours de montagne se revelent de toute beaute sauvage. Nous croisons comme a l'habitude de multiples villages - que les touristes en bus voient a peine - et leur cortege de scenes quotidiennes : les enfants qui nous lancent des "bonjour" tonitruants, les femmes qui se lavent au milieu du village (c'est important au Laos de montrer a tous que l'on se lave), les hommes qui tressent des paniers ou reparent leur maison en bambou, les chiens, les cochons et leur petits qui traversent la route, comme poules et poussins, les enfants qui font rouler une roue avec un baton pour s'amuser, les filles qui otent tranquillement les poux des cheveux de leur maman...etc La vie bat son plein en toute nonchalance. Malgre la rudesse de vie, c'est un signe de malchance au Laos que de trop penser, de trop reflechir.
Apres une etape de repos bien meritee, ou nous prenons le temps de lire, de rever et de reposer nos jambes fatiguees dans des sources chaudes naturelles, nous avancons vers Vientiane, ou nous avons rendez-vous avec l'AFESIP, association qui s'occupe de jeunes femmes victimes de traffic ou d'abus sexuel. Nous allons tenter de decorer leur nouveau centre dans le sud du pays. Ils vont voir de quelle peinture je me chauffe. Nous enchainons une etape de 80 km jusque Vang Vieng, puis deux etapes d'environ 100 km. Tout va mieux, la route redevient plate et sans relief. Nous croisons quelques cyclos, dont un couple d'allemands avec qui nous roulons un peu. Ils roulent depuis 6 mois et ont commence en Inde. Ils se sont fait des velos sur mesure a 2000 euros piece. L'avantage c'est d'avoir un large spectre de vitesses differentes. De tres petits pour la montagne, et de tres gros pour le plat ou les descentes.
Nous faisons a Tha Lat, une rencontre interessante. Le gerant de l'auberge ou nous dormons parle francais. Normal, c'est un ancien prof de francais, me direz-vous. En revanche, c'est un homme qui a ete contraint a arreter son metier en raison de positions divergentes par rapport au regime communiste. Il nous raconte la societe sclerosee du Laos. La corruption. L'impossibilite de parler de certaines choses sous peine d'etre arrete. Bref la mainmise de l'etat sur le pays. Nous l'avons d'ailleurs remarque : l'AFESIP a du faire des pieds et des mains pour que nous ayons l'autorisation de travailler benevolement pour eux.
Les 2 dernieres etapes avant d'arriver a Vientiane sont plates, et hormis un mal de derriere commun, en depit de nos cuissards, tout va bien. Maintenant direction Savanaketh! Et bientot le nouvel an Laotien ou, en d'autres termes, "la fete de l'eau"... La tradition est de s'arroser! Ca promet sur les velos!!!
Au plaisir de vous lire,
Bises a tous !
PS : les 1eres photos du Laos sont en ligne dans l'album photos du meme nom!