Seul, dans les rues de Bangkok
Cher tous,
Nous avions abandonne notre recit il y a bien 3 semaines, et sans oser vous l'avouer a vous-memes, notre prose manquait beaucoup a votre quotidien... Je reviens donc une derniere fois a la charge afin de vous conter ma derniere excentricite avant notre retour : 3 semaines de travail au sein de "Restaurateurs sans Frontieres".
Comme une rentree des classes, c'est un lundi que j'ai revu Robert, le directeur de l'organisation. Je ne l'ai vu qu'une fois dans ma vie, il y a 5 mois, mais tels de vieux amis qui se sont perdus de vue, nous nous prenons dans les bras, pleurons de joie, et nous racontons les anecdotes de notre vie recente, tels de vieux freres d'arme. Robert est un vieux routard de la restauration, il a 61 ans et est deja a la retraite, mais il ne peut s'empecher de travailler dans ce metier qui est toute sa vie. Fondateur de l'ecole de restauration de tableaux d'Avignon, il a parcouru le monde pendant 20 ans, en Egypte, en Jordanie, en Amerique du Sud, en Grece, au Laos...etc C'est un homme charismatique qui m'intimide un peu, il faut le dire. Il a choisi de finir ses jours en Thailande, car c'est un pays qu'il apprecie particulierement pour diverses raisons, et notamment la gentillesse generale qui y predomine.
Nous voici donc partis, ce lundi matin, avec 5 thais de mon age, pour aller faire du faux marbre a Ayuthaya (80 km de Bangkok), dans un temple, celui de la residence d'ete du Roi Rama V. Ce qui est tres etonnant, c'est que ce temple et cette enceinte bouddhiste, soient de style gothique (!?), et pour cause : Rama V, roie d'alors, debut 1900, entreprit un voyage en France et tomba amoureux du style gothique qu'il s'efforca d'imiter a son retour au pays.
L'autel du temple est en vrai marbre rose. Et le but de la mission est d'en peindre une imitation, conforme a l'original, sur les socles de 18 statues entourant le temple, le tout a 7m de haut. A peine ai-je leve le pinceau que je vois s'entrouvrir des bouches beantes, et les larmes perler sur les joues de mes camarades. Je leur explique donc que c'est normal d'etre degoute en me voyant peindre, et qu'un genie comme moi, ca se voit une fois par siecle, dans le meilleur des cas de figure. Certains continuent a pleurer, alors je leur intime l'ordre d'aller finir leur jeremiades aux toilettes et de revenir une fois calmes. Blague a part, ces jeunes gens se debrouillent bien, ils ont deja fait du faux marbre et font preuve de toute la finesse asiatique.
Les echaffaudages sont constitues de barres de fer, et d'une fine planche de bois meme pas fixee tout en haut. Ca n'a pas l'air de les deranger, meme a 6m de haut. Pour descendre de l'echaffaudage, plutot que de le faire normalement sur l'un des cotes, je saute directement vers l'arriere et j'effectue un double saut perilleux, histoire de les impressionner, et de leur montrer qu'il n'y a pas que la peinture dans la vie. Il y a la gym aussi !
Nous travaillons sous la houlette du Fine Art, les monuments historiques locaux. Robert vient nous rendre visite et le resultat le satisfait autant que les responsables du temple. Mes collegues travaillent tres bien dans l'ensemble, mais point question de s'echiner a quoi que ce soit ici : on prend une pause quand on en a besoin, et l'important est de bien manger, d'etre relax, et tout le reste suit. Il ne s'ecoule pas un jour sans que nous ne croisions serpents de toutes especes : cobras, viperes et autres. Mes camarades de chantier savent reconnaitre les dangereux, et jouer avec ceux qui sont, parait-il, inoffensifs. Le temple est situe sur une ile, et tous les jours nous prenons une sorte de telepherique pour franchir un affluent avant d'arriver au lieu en question. Nous vivons dans une maison louee, et comme chez beaucoup de Thais, c'est une maison vide. Mais quand je dis vide, c'est vide : pas de chaises, de fauteuils, de lits, de meubles... On peut parfois penser qu'une maison sans teloche ca parait vide, et ben la, je vous raconte pas. Il faut voir le positif : on ne peut rien casser si on chasse les moustiques ! J'ai bien fait de ramener notre tente qui nous sert de moustiquaire avec toutes les bestioles qui trainent par cette chaleur. Tout le monde dort donc par terre. Une fois la mission terminee, qui s'est tres bien passee malgre la barriere du langage (on a bien sympathise avec les gars de l'equipe), nous voici de retour a Bangkok.
J'en profite pour visiter le palais royal ou l'equipe a travaille. C'est un ensemble splendide, et j'ai apprecie la finesse des fresques. Puis, Robert, voulant monter une section decor au sein de l'organisation, me charge de prendre Amat sous mon aile et de lui enseigner un peu plus que quelques rudiments de faux marbre, et de realiser quelques echantillons qui pourraient servir d'exemple a d'eventuels clients. Les Thais sont de tres bons eleves : ils se contentent d'aquiescer a mes prerogatives, et de les appliquer. Meme pas besoin d'un martinet pour se faire obeir ! L'ambiance est tres bonne, et on rigole tout le temps. Nous travaillons a la Jim Thompson House, un endroit prestigieux de Bangkok dote d'un musee, de jardins, et de quelques batiments annexes ou sont installes les ateliers, gratuitement, en echange de la restauration d'une toile de temps a autre pour la fondation. L'equipe au total s'eleve a 11 personnes : 4 filles et 7 garcons.
Je suis loge dans une residence, le tout pris en charge par l'organisation. Je me refais une petite vie de citadin, et de celibataire.
Au bout de deux semaines de separation, j'aurais enfin pu revoir ma promise pour deux petits jours : elle est revenue accueillir son amie Muriel a l'aeroport. Elles vont passer une semaine ensemble dans le sud. Elle vous expliquera son parcours sous peu !
A bientot,
Bises a tous